La Communauté tem du Centre du Togo (Sokodé, Bafilo, Fazao) est connue par l'Administration sous le nom de Kotokoli depuis la colonisation. Au sein de la Communauté, certains préfèrent le nom <kotokoli> depuis que, avec les progrès de l'islamisation, le nom <tem> a fini par prendre le sens péjoratif d'infidèle à l'islam. Comme la plupart des désignations des communautés ethniques africaines inscrites par le Colon, <kotokoli> est un sobriquet donné aux Tem par une Communauté voisine. Quelle est donc cette Communauté et que signifie ce sobriquet dans sa langue? Avant de chercher l'origine du mot à l'extérieur certains ont pensé à une origine interne. En tem, il y des expressions du type <ka fa kɛ lɛɛ> 'donner d'une main et reprendre de l'autre', <ke ti ka kpa> 'va-et-vient'. Parmi ces expressions, il y a <kɔ tɔɔ ke li> 'mâcher et, par gourmandise, avaler tout y compris les déchets', qui sonne comme <kotokoli>. L'étymologie populaire a vite fait de trouver dans cette expression l'origine de notre sobriquet. Mais on ne voit pas pourquoi dans la même langue et chez les mêmes locuteurs <kɔ tɔɔ ke li> est obligé de se transformer en <kotokoli>. De plus, on ne voit pas quelle logique amenerait un peuple à se railler et se mépriser lui-même. L'orignie du sobriquet ne peut être qu'externe. La première tentative tablant sur une origine extérieure de <kotokoli> a été faite par les Colons allemands. P. Müller (Beitrag zur Kenntnis der Tem-Sprache (Nord-Togo), Afrikanische Studien, Berlin, 1905) prête au comte Zech les propos suivants : "Les Haussa, de la région où l'on parle Dendi sur le Niger ... appellent ... les Temba et leur pays Kotokoli", les deux premiers o du mot étant des o ouverts et portant des accents aigus. Les Administrateurs français ayant résidé en pays tem (J-C Froelich et R Cornevin) ont emboîté le pas des Alleamnds tout en précisant que c'est à la suite d'une transaction commerciale mal terminée entre des Tem et des négociants originaires de la Boucle du Niger (Hausa, Dendi, entre autres) que, par dépit, les étrangers surnommèrent leurs mauvais partenaires tem <kotokoli> avec le même sens que <ka fa kɛ lɛɛ>. De deux choses, l'une : Ou bien ils ont repris l'expression tem en la prononçant mal; mais on ne voit pas comment une mauvaise prononciation de <ka fa kɛ lɛɛ> donnerait <kotokoli>. Ou bien dans la langue des commerçants déçus il existe un mot ou une expression prononcée <kotokoli> avec le sens de 'donner d'une main et retirer de l'autre'. Les recherches en hausa et en dendi n'ont rien donné dans ce sens. Il est signalé tout au plus qu'en dendi de Kandi le maïs est appelé d'un nom dont la prononciation se rapproche du nom que ce céréale a en zarma, une variété dialectale, <kolgoti>. Les Dendi voisins des Tem sont ceux de Djougou et non ceux de la lointaine citéde Kandi. Dans tous les cas, parmi les céréales cultivés et consommés, les Tem préfèrent de loin le sorgho au maïs. Il n’y a donc aucune raison qu’on les assimile à ce céréale d’introduction récente qui plus est. Les Tem ont des voisins au sud de leur territoire. Les Anyanga de Blitta et d’Anié sont les voisins immédiats. Mais avant ceux-ci les Tem échangeaient avec ceux qu’ils appellent Aŋʋna et qui doivent être les Aŋlon de Kéta, un grand centre commercial sur la côte atlantique, dans l’actuel Ghana. Parmi les échanges avec les Tem, il y avait les esclaves que des mercenaires au service du Roi tem de Tchaoudjo venaient entreposer à Yomaa Boua (Rivière des Esclaves) entre les actuelles villes de Sotouboua et de Blitta au Togo. Le reste du chemin vers Kéta était assuré par des convoyeurs aŋʋna. Le long du chemin, il y a les Anyanga, les Akposso puis les Aŋlon. Y a-t-il dans l’une des langues parlées par ces peuples un mot identique ou proche de <kotokoli> ? Un dictionnaire récent destiné à l’éwé du Ghana, notre aŋʋna, (Ewe Dictionary (Health Domain), 2007)) publié par l’Université de Legon, Accra, signale le mot <kɔtɔkɔli> qui désigne le goitre. La découverte de ce mot est éclairante. Les esclaves convoyés à Kéta, parce qu’ils viennent pour la plupart des zones montagneuses (Fazao, Bassar, Atakora) devaient compter parmi eux des goitreux, le goitre étant endémique dans les zones à carence d’iode que sont les montagnes. Or la langue parlée à Kéta est l’éwé, objet du récent dictionnaire. On imagine que contrariés par des convois d’hommes et de femmes que l’enflure du cou déprécie, les trafiquants éwé aient surnommé les esclaves originaires du Centre de l’actuel Togo des <kɔtɔkɔli> (terme qui ne pouvait être transcrit à l’époque que kotokoli). En attendant de vérifier si un terme équivalent existe en anyaga ou en akposso ou une des langues traversées par la route Yomaa Boua-Kéta, l’hypothèse de l’origine et de la signification du mot <kotokoli> est celle-là.